vendredi 30 avril 2010

Guy Debord et l'élitisme contestataire

Si ce blog était lu, et il l'est fort peu, je présume qu'une armée de trolls déferlerait sur cet espace pour me calomnier et me traiter de tous les noms. Voyez-vous, c'est que l'on reprend souvent les mêmes procédés employés par nos modèles et dans le cas de l'individu traité dans ce billet, il n'y allait pas toujours avec le dos de la cuillère et l'analyse sociale laissait souvent la place au mépris le plus total non seulement envers toute chose, mais envers toute personne. Ainsi donc, la critique totale du penseur, donc de l'ensemble des sphères de la société, semble mener parfois à cette manie de chier sur la tête d'un peu n'importe qui. Toutefois, malgré sa propension à s'autocongratuler dans ses livres et dans ses films, sa pédanterie et son choix de vocabulaire obscurantiste, la pensée de Debord mérite d'être connue, non seulement parce qu'elle est originale, mais qu'elle est toujours d'actualité aujourd'hui. Bien qu'il aurait mérité d'être mieux défini, son concept de spectacle colle très bien à la réalité (ou sa représentation?) du 21e siècle, le détournement peut être un moyen efficace de contre-propagande (bien qu'il s'agisse d'un art en soit que peu maîtriseront dès le départ) et sa critique du cinéma (et de son public) par le cinéma lui-même, bien que contradictoire, a le mérite d'explorer d'autres champs du possible. Le plus intéressant avec Guy Debord, c'est son refus de la contemplation et cette invitation au spectateur-citoyen à prendre part à sa propre vie en rejetant toutes formes de représentations.

Toutefois son oeuvre et son interprétation me semble ardue. Il est facile de blâmer notre incapacité à communiquer notre pensée sur l'inculture ou l'illettrisme d'autrui, mais j'accorde plus de mérite à ceux et celles qui font l'effort de vulgariser le fruit de leurs recherches, de leurs pensées et/ou de leurs expériences.

Si nous voulons parvenir à la réalisation d'une société autogérée, nous devons faire en sorte de rejoindre le plus de gens possible par l'entremise de l'éducation populaire, à défaut de quoi nous risquons de tomber dans ce que j'appellerais une certaine forme d'élitisme contestataire, bien que nous n'ayons aucune intention de prendre le pouvoir. Si Debord a toujours refusé de prendre la tête d'un parti, on peut difficilement qualifier ce qu'il a fait durant sa vie d'éducation populaire, bien que certaines de ces idées ont été reprises lors de mai 68, sans nécessairement que les gens en saisissent pleinement l'essence. Si Debord était un stratège, on peut se poser la question sur les objectifs visés par sa ou ses stratégies, car il ne cherchait pas à être compris à tout prix, surtout pas du plus grand nombre.

Il me semble donc nécessaire afin d'avancer, de délaisser certaines mauvaises habitudes et une certaine forme de critique sociale (non pas forcément sur le fond, mais dans la manière de dire les choses), si nous ne voulons par se rendre compte qu'encore dans 20 ans «nous tournons en rond dans le noir et nous sommes dévorés par le feu ».

Pour finir, voici justement un exemple de ce qui peut s'aliéner un public que l'on devrait pourtant tenter de rejoindre :

«Je ne ferai dans ce film aucune concession au public.
Plusieurs excellentes raisons justifient, à mes yeux, une telle conduite ; et je vais les dire.
Tout d’abord, il est assez notoire que je n’ai nulle part fait de concessions aux idées dominantes de mon époque, ni à aucun des pouvoirs existants.
Par ailleurs, quelle que soit l’époque, rien d’important ne s’est communiqué en ménageant un public, fût-il composé des contemporains de Périclès ; et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie.
Voilà bien l’essentiel : ce public si parfaitement privé de liberté, et qui a tout supporté, mérite moins que tout autre d’être ménagé.» Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni.

PS: Je vous suggère d'aller ici pour connaître l'ensemble des titres de ses films et de ses livres ainsi que plusieurs de ses textes. La plupart de ses films sont disponibles sur YouTube et certains de ses textes et de ses livres se retrouvent en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Debord.

1 commentaire:

Mouton Marron a dit…

J'avoue que Debord m'a toujours à la fois intrigué et repoussé.