dimanche 18 avril 2010

Théorie sur le brigandage institutionnel

Il est à la mode ces temps ci de parler de corruption, de cynisme, de scandales et de volcan, mais je voulais amener ici un éclairage différent. Bien que je sois en accord avec les propos d'Anne Arhet (http://annearchet.wordpress.com/2010/04/17/cynique-you-bet/), je considère que nous devons aller plus loin dans notre analyse. S'il est vrai qu' «Au cœur de l’État se trouvent la violence, l’exploitation, la corruption et le privilège», on retrouve le même modèle à travers l'ensemble de nos institutions contemporaines. J'ai d'ailleurs été devancé par un certain Laurent dans la section des commentaires qui précise que «La corruption, les privilèges et la violence font en effet partie des systèmes de reconduction des dominations. Cela dépasse largement le cadre des états. Les reproductions des schémas de dominances s’infiltrent au coeur des choses dès qu’il y a pouvoir. » Je présume qu'Anne Archet le sait très bien (en fait j'en suis convaincu), mais ce n'est pas forcément le cas pour la majorité de la population et bons nombres d'anarchistes, qui font de l'État leur ennemi numéro un et perdent ainsi de vue l'ensemble du portrait. L'État est un ennemi à abattre parmi d'autres. Ni plus, ni moins. Les marxistes font la même erreur en privilégiant l'économie et la lutte contre le capitalisme sur tout le reste.

Le problème principal sont les hiérarchies que l'on retrouve au sein de ces institutions et le principe de représentativité (bordel, c'est vraiment un mot!). En effet, on délègue, on nomme ou on place des gens au pouvoir qui sont chargés de nous diriger, dans nos villes, notre province, notre pays, notre lieu de travail, notre école puis l'ensemble des institutions que l'on fréquente. Nous sommes consulter à des niveaux variables, puisqu'il semble souvent ridicule aux autorités qu'une telle chose soit même nécessaire. Nous sommes ici en présence de fascisme qui se présente sous un visage amical (traduction libre d'une expression employée dans une chanson du groupe Anti-Flag). Et après on s'étonne de se retrouver avec des scandales de pédophilie chez les prêtres catholiques (ok dans ce cas là, on ne s'étonne pas tant que ça), de fraudes monumentales au sein de compagnies comme Norbourg et Enron, une crise des subprimes provenant d'institutions financières ayant causé un effondrement économique majeur, des scandales à la mairie de Montréal (entre autre) et dans tous les paliers gouvernementaux (j'oubliais l'homme rapaillé). Même les partis «de gauche» comme le NPD et les organisations syndicales n'échappent pas à cette règle, puisque c'est une minorité qui mène le bel au dépend de la majorité. Tout ça dans une démocrassie (ce n'est pas une faute ou un lapsus, mais le fonds de ma pensée), où l'on dit sans rire aux gens qu'ils sont aux commandes et que c'est à la majorité d'entre nous que revient le pouvoir. Puis on ose blâmer les cyniques! Quelle farce. Même Hollywood ne fait pas d'aussi mauvaises comédies et ce n'est pas peu dire.

Puis quand on parle de corruption, ça part du scandale des commandites et ça va jusqu'au policier qui passe sur la rouge en allumant ses gyrophares, non pas pour intercepter une voiture, mais bien pour enfreindre la loi qu'il est lui-même supposé appliquer. Ça ne fait pas la manchette, mais ce n'est pas parce que c'est une pratique quotidienne que c'est acceptable. Et là je n'ai pas encore mentionné les meurtres impunis de ces «agents de la paix» (quelle ironie), qui découle également de notre mode de fonctionnement et de nos institutions et non pas de quelques individus ou de pommes pourrîtes. On tente de donner un visage à un problème qu'on saisit mal, mais ce n'est pas en changeant Charest par Marois, Tremblay par Harel ou Labeaume par le Bonhomme Carnaval qu'on réglera le problème. C'est d'une naïveté sans nom. On doit se débarrasser des institutions actuelles et les remplacer par des institutions qui soient réellement démocratiques, n'en déplaisent aux idéalistes qui veulent jeter le bébé avec l'eau du bain et qui voient le mal dans toute forme d'organisations sociales, celles-ci brimant bien sûr inévitablement la pureté inéluctable de leur Moi infiniment grand et bienséant. Ils et elles feront à leurs têtes. Nous, nous ferons la révolution, celle que personne n'a jamais osé faire. On parle de démocratie directe et d'autogestion et non pas du changement d'une clique par une autre.

Sur ce je mentionne au passage que j'ajouterais un bémol au commentaire cité plus haut, au fait que je ne sois pas contre le pouvoir populaire, qui est également une forme de pouvoir. Je suis contre toute forme de domination et d'autorité illégitime, ce qui est différent.

La suite des choses mériterait au moins un billet en soit, mais chaque chose en son temps.

11 commentaires:

Anne Archet a dit…

Au cœur de ______ se trouvent la violence, l’exploitation, la corruption et le privilège.

Remplacez l'espace par le dispositif de pouvoir de votre choix.


;-)

Je n'aurais pas pu mieux dire. Bravo pour ce texte.

Bakouchaïev a dit…

Je suis un peu surpris, je pensais que tu allais me «chicaner» à cause de ce que je dis vers la fin. Je sais qu'on ne voit pas les choses de la même manière, à tout le moins pour ce qui est des solutions ou alternatives à la situation actuelle.

À tout le moins je suppose qu'on se rejoint à plusieurs niveaux quant à notre analyse de la société actuelle.

Très bon texte de ta part, je ne voulais que complèter tes dires (avec une touche personnelle).

Anne Archet a dit…

Reconnaître une autorité légitime est non seulement logique, mais parfois notre vie en dépend. Si je ne n'avais pas reconnu l'autorité de mon médecin oncologue il y a quelques années, je serais morte aujourd'hui.

Anne Archet a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anne Archet a dit…

Quant à la démocratie directe et tout le bataclan, j'applaudirai du fond de ma cellule de prison lorsque vous l'aurez instaurée.

;-)

Je n'ai rien à priori contre le communisme libertaire et sa myriade de comités d'autogestion. Ce n'est qu'une question de désir: je suis certaine que je m'y emmerderais. Je ferais l'école buissonnière, je me pointerais en retard au boulot et on finirait par m'expulser du collectif ou pire, par me couper les vivres.

Bakouchaïev a dit…

Qui a dit que j'étais communiste libertaire?

Pour ce qui est des prisons, même s'il y en a après la révolution (ça reste à voir?), je doute que tu t'y retrouves. Ici je ne sais pas si tu étais sérieuse ou si c'était une boutade, mais bon...

Je n'ai jamais fait partie de collectifs bien que j'ai sympathisé avec la CLAQ. Je me suis impliqué dans mon association étudiante et j'ai cessé, une fois délusionné.

Libre à toi de me classer dans une catégorie d'anarchiste, mais je prends ce qui me plait dans les courants anarchistes et je rejette ce qui me plait moins.

Je suis anarchiste et c'est tout. Je ne considère pas avoir besoin de dire quelle sorte. Si ce serait le cas, alors je ne me dirais pas anarchiste.

Pour moi l'anarchie est une philosophie de vie qui revient à rejetter toute forme d'autorité illégitime. Si l'autorité ne peut se justifier (et la plupart du temps, elle ne peut le faire), elle est illégitime. C'est la définition de Chomsky qui est socialiste libertaire (aux dernières nouvelles), mais j'en prends et j'en laisse passer.

Je cherche encore à comprendre ce que défend l'UCL et ce que mange en hiver une fédération de fédérations. Je ne me rappelle pas avoir parlé de comité d'autogestions. Je défends l'économie participative.

Et dans anarcho-communiste, il y a le mot communiste. J'ai tempéré mes ardeurs, mais disons que j'ai eu plusieurs discussions houleuses avec des «rouges» et j'ai cessé le jour où j'ai compris que c'était totalement inutile. Mais je tiens à m'en distinguer, fortement.

Voilà.

Anne Archet a dit…

Désolée d'avoir mal interprété vos propos. Parce que d'habitude, quand on dit «démocratie directe et autogestion», c'est qu'on s'associe au communisme libertaire, à l'anarcho-communisme, au collectivisme, à la parecon, au mutuellisme ou une autre forme de système en technicolor avec bonheur clé en main.

Il est vrai que j'ai tendance à classer les gens dans des petites boîtes, c'est un travers intellectuel hérité de l'université dont j'ai bien du mal à me débarrasser.

Anne Archet a dit…

Quant à la prison, c'était une boutade, évidemment. Mais à bien y penser, pas tant que cela: la plupart du temps, lorsqu'il y a une révolution, les cachots se mettent à déborder.

Vous allez me dire qu'une démocratie directe abolirait les prisons. Peut-être, mais le seul véritable exemple historique d'une démocratie directe avait une tendance à bannir, à emprisonner et à faire boire de la ciguë.

Bakouchaïev a dit…

Parecon, c'est l'économie participative. Mais même son auteur refuse de répondre à toutes les questions, car il ne veut pas que tout soit justement décidé d'avance et règlé au quart de tour. Mais de m'associer à un anarcho-communiste à cause de ça me semble douteux, surtout que l'UCL et/ou NEFAC s'est montré tiède envers cette option, en fait j'ai déjà lu une critique qui le rejette totalement sur leur site (peut-être l'ancien, je ne sais pas). Je considère que nous avons besoin de visions pour avancer et que les gens seraient bien fous de se lancer dans une révolution, sans avoir aucune idée des gens qui poussent pour ce qu'elle survienne et ce qu'ils défendent. C'est la meilleure façon pour qu'une clique en remplace une autre.

Mais bon, c'est facile de dénigrer ce que quelqu'un tente de faire avec deux ou trois tournures de phrases et en se montrant sarcastique. Ta volonté propre et ton projet (car ton idée de nomadisme semble être un projet) peut te convenir à toi, mais ça ne me convient pas vraiment à moi et cela peut très bien ne pas convenir à d'autres. Personnellement je ne me vois pas me trimballer d'endroits en endroits avec une bande de joyeux troubadours, pas plus que je m'aurais vu vivre dans une commune en chantant peace and love. À chacun son trip. Tu t'ennuirais dans «ma société» (même si elle reste à définir et ne m'appartient pas!), alors qu'après quelques jours, j'aurais tué tout le monde faisant parti de notre groupe (façon de parler, avant qu'on m'accuse) ou je serais rentrer «chez moi» à pied.

Et puis pour moi je dénoncerai toujours l'injustice, peu importe où elle se trouve, même si je ne suis pas directement concerné. On appelle ça de la compassion, je suppose. Je pourrais envoyé chier tout le monde et laisser libre court à mes instincts refoulés, mais je ferais les manchettes pour les mauvaises raisons. Je préfère canaliser cette énergie dans quelque chose que je juge plus constructif et positif.

Pour ce qui est des révolutions passées, je supposèse qu'on doive parler de tentatives au mieux, parce qu'aucunes d'elles n'a abouties. Le rapport dominant/dominéE demeure. Je ne suis pas certain de l'exemple que tu parles. J'hésite avec la Grèce antique (à cause de la ciguë), mais il s'agissait d'une société esclavagiste. Sinon, tu parlais peut-être de la Commune de Paris ou de l'Espagne révolutionnaire. Mon inculture, je suppose.

Bakouchaïev a dit…

«alors qu'après quelques jours, j'aurais tué tout le monde faisant parti de notre groupe», je ne sais pas si c'est clair, mais je parlais de l'éventualité ou je ferais partie d'un groupe pratiquant le nomadisme ou composant une commune.

«Et puis pour moi je dénoncerai toujours l'injustice», dans mon cas, au lieu de pour moi, serait mieux. S'il y a des fautes ou une synthaxe douteuse, je vais blâmer la fatigue.

Mouton Marron a dit…

Athènes n'était pas une démocratie directe. C'était une aristocratie citoyenne mêlée à de la ploutocratie et une oligarchie tout à fait conventionnelle. Les votant-e-s des assemblées, c'était rarement plus de 10% des citoyens de l'Attique, et sans doute que les citoyens eux-mêmes ne formaient que 10% de la population totale, en majorité faite de métèques et d'esclaves. En gros, max 5000 personnes (en majorité analphabètes) sur 450 000 hab. participaient à une AG manipulée par des leaders charismatiques et démagogues. Il faudrait chercher ailleurs les exemples de démocratie directe.

Mais en fait, le seul élément que je trouve pas mal dans ce modèle, c'est justement la forme de bannissement pratiquée. Les Athéniens avaient recours à l'ostracisme (d'où le terme "ostracon") des gens qui devenaient dangereusement puissants. Pas question ici de bannir les pauvres, les bossus ou les femmes lubriques (quoique ça devait aussi arriver - mais à l'extérieur des assemblées).

;-)

(Bon, désolé, je sais que c'était sans doute de l'humour de la part d'Anne Archet, mais déformation historienne oblige, il fallait que je précise.)

Je pense que l'anarchie ne pourrait être formée que de centaines de modèles d'organisation différents. Pas de cellules identiques. Je ne suis pas vraiment communiste libertaire, mais sans doute que dans une anarchie, je m'arrêterais de temps en temps dans une collectivité fonctionnant sur le modèle anarcho-syndicaliste, avant de déménager pour m'installer ailleurs (pourquoi pas, par exemple, monter ma tente dans le Carré Viger, à côté des Archives nationales? Je pourrais faire de la recherche en paix le jour puis griller des guimauves le soir. Woaaaaa ce serait bandant.)

La compagnie de cirque itinérante d'Anne Archet pourrait très bien cohabiter avec des collectivités végétaliennes et des syndicats ouvriers. Les seul-e-s avec qui il est impossible de cohabiter, ce sont les autoritaires.